dimanche 23 septembre 2007

Le club des trente patrons bretons

LE MONDE | 21.09.07 | 19h19

Le week-end dernier, les membres d'un petit club, tout à fait spécial, se réunissaient à Venise au palais Grassi. Son propriétaire, le milliardaire français et breton François Pinault (lire aussi page 25), se montra un hôte délicat, leur présentant lui-même les pièces de sa collection d'art contemporain et les invitant à dîner dans une ambiance bon enfant. Un thème est invariablement abordé à chaque réunion de ce mystérieux "Club des trente" : la Bretagne. Les "trente" ont pour caractéristique d'être tous chefs d'entreprise bretons. Et M. Pinault a été sacré homme de l'année 2006 par la revue Armor pour avoir hissé au fronton du palazzo le gwen a du, le drapeau breton.


Le 19 juin, c'est Vincent Bolloré qui recevait, dans sa tour de Puteaux, 150 Bretons pour un dîner-débat. Il y fut question de la structure familiale du groupe, d'investissements, de nouvelles technologies, et évidemment, de Bretagne : ses chances, sa culture, ses étendards. Au bas de l'immeuble, flottait le gwen a du.

Mercredi 19 septembre, c'est Maurice Lévy, président du groupe Publicis, qui s'est fait l'hôte amical des Bretons. L'animateur des "Dîners celtiques", Yannick Le Bourdonnec, un des cadres de Publicis, n'y était pas pour rien,. Mais il y avait une réelle jubilation, chez le publicitaire, à accueillir sur sa terrasse dominant les Champs-Elysées, plus de deux cents Bretons emblématiques du Breizh Power. Le coureur cycliste Bernard Hinault côtoyait Philippe Gloaguen, fondateur du Guide du routard, la navigatrice Anne Quéméré croisait le Père Alain de La Morandais et Marylise Lebranchu, vice-présidente (PS) du conseil régional de Bretagne, ancienne garde des sceaux, Louis le Duff, fondateur de la Brioche dorée, rencontrait le député vert Yves Cochet, Michel-Edouard Leclerc et PPDA. Mais c'est Michel Drucker qui a ému l'assistance. Venu remettre un DVD d'or à Alan Stivell, il a pris la parole, conscient des interrogations que sa présence suscitait chez les Armoricains. "C'était l'été 42, une époque fort troublée. Mon père, juif, émigré de Roumanie, avait été déporté à la suite d'une dénonciation, et ma mère fuyait, mon frère Jean à la main, moi dans son ventre." Sur un quai de la gare de Rennes, la Gestapo a arrêté la jeune maman sans bagage.

Mais un homme, lettré, parlant parfaitement allemand, s'est interposé, a parlé à l'officier, évoqué avec lui la littérature, Goethe, Schiller... L'Allemand en oubliait presque la jeune femme silencieuse et tremblante. Et quand il l'a regardée à nouveau, le Français a assuré, avec une autorité naturelle, "c'est ma femme". Et l'Allemand s'est éloigné. "L'homme s'appelait Pierre Le Lay, a conclu Michel Drucker. C'était le père de Patrick Lelay. Je lui dois la vie. Vous imaginez la résonance que la Bretagne a en moi..."

Annick Cojean
Article paru dans l'édition du 22.09.07.

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